Un vélo blanc pour Normand Chatelois, décédé au coin St-Laurent et Liège après avoir fait son épicerie

Nous étions présents ce matin 12 décembre, avec de nombreux élus et cyclistes pour honorer la mémoire de Normand Chatelois, un amoureux du vélo qui en faisait de façon utilitaire et sportive. Il est mort tragiquement le 9 novembre dernier, en revenant de faire son épicerie. Le vélo blanc à été posé au lieu-même de la collision. C'est un autre rappel de l’iniquité du partage de l'espace entre piétons/cyclistes (les + vulnérables) et les automobiles et camions, toujours plus gros et imposants. #VisionZéro pour Montréal et ça presse. Nous pensons à toute la famille et aux proches de Normand.

L'épicerie Provigo ou allait Normand Châtelois est à un coin de rue de la frontière entre Villeray et Ahuntsic.  Rappelons que le boulevard St-Laurent n'a AUCUNE installation cyclable (Il n'y a aucune installation cyclable sécuritaire pour traverser l'autoroute métropolitaine à l'ouest de Henri-Julien). 

Texte complet de la cérémonie après les photos.

Laurent
Bonjour, et bienvenue à toutes et tous, merci d’être là malgré la météo capricieuse...
Je me présente, Laurent Deslauriers, du collectif Vélo fantôme. Je vais être le maître de cérémonie ce matin.
Avant toute chose, je veux rappeler les consignes sanitaires afin que notre événement se déroule bien : nous vous demandons de garder en tout temps le couvre-visage du dessus du nez jusqu’au-dessous du menton et une distance d’un mètre entre vous, à part si vous faites partie de la même bulle familiale.
Merci beaucoup !

Je tiens à souligner la présence parmi nous de plusieurs proches de Normand Chatelois, décédé le 9 novembre dernier, et en l’honneur de qui nous sommes ici aujourd’hui. Nous vous offrons nos condoléances et vous assurons de notre solidarité.

Plusieurs élus provinciaux et municipaux se sont aussi déplacés : Andrés Fontecilla, Marianne Giguère, Sophie Mauzerolle, Laurence Lavigne-Lalonde et Alba Zúñiga Ramos. Nous les invitons à être une fois de plus à l’écoute des besoins de la communauté en matière de sécurité des personnes les plus vulnérables dans nos rues, qu’elles soient à pied ou à vélo.

D’autres responsables sont ici aussi et je les en remercie.
Sans plus tarder, je passe la parole à Séverine Le Page puis Shanti Larochelle, les deux porte-paroles de Vélo fantôme…

Séverine
Bonjour à toutes et tous.

Nous sommes donc ici en mémoire de Normand Chatelois, sur le lieu de la collision qui lui a coûté la vie il y a un mois, le 9 novembre dernier. Avec l’accord de sa famille, sa propriétaire, ses voisins et ses voisines, nous installons aujourd’hui un vélo blanc.
 
Rappelons que nous installons un vélo blanc – ghost bike, en anglais – à l’endroit précis où une ou un cycliste est décédé lors d’une collision sur la route. Le but est triple :
honorer la mémoire de la victime et permettre aux proches de se recueillir sur les lieux de la collision; ériger un symbole pour susciter une réflexion sur les dangers des véhicules motorisés; et militer pour des actions afin d’éviter d’autres morts. Ce vélo blanc servira à rappeler à toutes et à tous qu’on a fauché Normand ici.
 
Nous souhaitons que la présence du vélo fasse réfléchir sur l’importance d’agir, rapidement, pour que la ville dans laquelle nous vivons soit sécuritaire pour les usagers et les usagères  les plus vulnérables dans l’espace public.
 
Normand était une de ces personnes vulnérables à plusieurs égards. Il adorait son vélo, mais c’était son seul objet de valeur. Après avoir travaillé dans l’informatique, il faisait en effet surtout des jobines depuis plusieurs années.
 
Le vélo était son unique moyen de déplacement. Il habitait près d’ici depuis 12 ans et, ce jour-là, il allait faire ses commissions. Tout simplement. Son voisinage - imprégné de fortes valeurs environnementales - était d’ailleurs inspiré de le voir des douzaines de fois par jour se promener sur son vélo, toutes saisons confondues.
 
Bien que solitaire, Normand servait parfois de mécanicien en aidant ceux et celles qui avaient des problèmes avec leur bicyclette. Il aidait aussi la propriétaire de son logement, un peu comme un concierge non-officiel.
 
C’était en effet une personne débrouillarde. Par exemple, quand son frigo est tombé en panne, il a fabriqué une petite boîte en dehors de sa fenêtre pour garder la bouffe au frais tout en s’assurant que les écureuils ne pouvaient y accéder.

Normand était également bon cuisinier et préparait des pâtés au poulet pour les vendre aux voisins. Plusieurs en redemandaient après en avoir acheté au départ juste pour l’appuyer !

Ainsi, bien qu’il suscitait parfois la méfiance, il représentait un genre de phare dans le quartier. La communauté de Villeray est touchée par son décès. Tout comme la communauté cycliste. Car Normand adorait son vélo, mais il adorait aussi le vélo. Dans les années 1980, il était cycliste de compétition et fut parmi les meilleurs au Québec. Il roulait notamment avec le Club Cycles Patrick de Montréal-Nord, devenu aujourd’hui Cycles & Sports Inc.
 
Shanti
 
C’est encore un conducteur au volant d’un camion-benne qui a happé Normand...
 
Depuis la création de Vélo fantôme en 2013, c’est le huitième vélo fantôme que nous installons à la suite d’une collision impliquant un poids lourd.
 
Les conducteurs de poids lourds ne devraient pas avoir à travailler avec des véhicules qui les rendent presque aveugles. Bien qu’ils ne soient qu’une fraction du trafic motorisé sur nos routes, 4 %, les camionneurs et les camionneuses sont impliqués dans 48 % des décès cyclistes (avec les données de 2021) et dans 32 % des décès piétons à Montréal.
 
Devant ces chiffres affolants, aucun palier de gouvernement - municipal, provincial ou fédéral - ne peut considérer qu’il fait tout ce qu'il faut et tout ce qu’il peut jusqu’à présent. Chacun se renvoie la balle et, pour l’essentiel, l’inaction perdure face à cette épidémie désolante. Les rares actions ne permettent pas de changer de paradigme.
 
Il existe pourtant des solutions aux angles morts démesurés de ces mastodontes. Pensons par exemple à un meilleur design de ces véhicules, dont la « vision
directe », développée notamment à la suite de recherches britanniques.
 
Les gouvernements provinciaux ou fédéraux doivent financer des recherches dans cette direction, ou conditionner les subventions aux constructeurs à l’amélioration du design. À quoi bon avoir des véhicules électriques soi-disant meilleurs pour l’environnement s’ils continuent de tuer et de blesser autant? Le fédéral doit impérativement resserrer les normes de construction de façon radicale.
 
Quant à la Ville de Montréal, elle doit accélérer. Le projet Colibri, c’est bien, mais il n’exclut pas d’agir en même temps sur d’autres fronts. Pensons aux solutions mises en place à Londres : la ville classe les véhicules en fonction des angles morts pour autoriser ou non leur présence en ville et durcit progressivement la règle. On en parle depuis longtemps à Montréal, mais rien de concret ne se passe. Qu’est-ce qu’on attend au juste ?
 
Qui plus est, la Ville doit transformer sa flotte de véhicules lourds. Elle devrait avoir comme premier critère un design sécuritaire lorsqu’elle achète un camion. Ce critère devrait aussi être en haut de la liste lorsqu’elle sélectionne ses fournisseurs. Nous ne parlons pas uniquement de jupettes ou autres barres latérales, mais bien des design initiaux des camions. Les fenêtres et les portes très larges et très basses sont essentielles à une conduite plus sécuritaire.
 
Toutes ces pistes de solutions ont été maintes fois exprimées dans les consultations. Il faut les mettre en œuvre à grande échelle sans attendre. Nous posons des vélos blancs depuis 2013 !
 
La mort de Normand nous rappelle en effet l’absolue obligation de mettre réellement en œuvre la fameuse « Vision zéro », c’est-à-dire zéro décès et blessés graves, développée dans les pays scandinaves et adoptée par de nombreuses villes à travers le monde, dont Montréal. Notre ville devrait en être une où les personnes vulnérables, de tous âges et toutes habiletés physiques, sont confiantes et assurées de se déplacer en toute sécurité. Il est essentiel de l’aménager pour assurer la sécurité et le confort de celles et ceux qui sont les plus fragiles sur la route, c’est-à-dire les piétons, les piétonnes et les cyclistes.
 
Montréal se targue d’être une ville qui encourage le transport actif, en particulier le cyclisme. Pour que cela soit vrai, il devrait être possible pour tout le monde de se déplacer vers son travail, ses études, ses loisirs ou d’aller faire son épicerie, que ce soit à pied ou à vélo, sans avoir à se préoccuper de sa sécurité.
 
Il est important de réaliser que ce sont des choix de société qui font que des gens meurent dans nos rues. Comment pouvons-nous accepter et banaliser cette violence routière? Ces décès sont évitables. Ces collisions ne sont pas des « accidents ». Vision zéro doit être davantage qu’un vœu pieux!
 
Dans un autre ordre d’idée, notre collectif l’a toujours dit : le nombre nous protège. Les études montrent que plus les cyclistes sont nombreux, plus la sécurité des cyclistes progresse. Plus nous serons nombreux et nombreuses à arpenter la ville à vélo, comme Normand le faisait au quotidien, plus nous serons en sécurité.
 
Continuons à pédaler Montréal!
 
Laurent
Merci Séverine et Shanti.
(Je vais maintenant inviter les proches de Normand à dire un mot.)
 
(Les proches de Normand ont préféré ne pas prendre la parole)
 
Je vous propose une minute de silence pendant que nous installons le vélo. J’en profite pour remercier l’arrondissement pour l’installation de la dalle de béton et du support à vélo. Merci aussi à l’organisme Cyclo Nord-Sud qui a fourni le vélo qui sert de mémorial.
 
MINUTE DE SILENCE PENDANT QUE KARIM INSTALLE LE VÉLO

Merci de votre présence